Voile : les Frenchies à Sydney-Hobart
Une centaine de bateaux a pris aujourd'hui en Australie le départ de la course Sydney-Hobart, traditionnellement donné le lendemain de Noël. Avec ses 628 milles, cette course est le pendant aux antipodes de notre Fastnet race, autant pour la longueur du parcours que pour son aspect historique et son caractère de grande classique (née après-guerre, la Sydney Hobart a quinze ans de moins que son homologie européen, mais c'est tout de même un bel âge), que pour la façon dont elle a tristement marqué les esprits : si le Fastnet a vécu en 1979 une tragédie qui a coûté la vie à quinze marins, en 1998 c'est Sydney-Hobart qui a été dévastée par le mauvais temps, la catastrophe se soldant par la disparition de six participants, et comme au Fastnet, par un nombre considérable de naufrages et d'abandons. Chacun à leur façon, ces deux épisodes ont contribué à faire avancer les réflexions sur la conception des voiliers de course-croisière, et sur les moyens de renforcer leur sécurité.
Sans y être jamais allé, mais juste comme ça, au feeling, j'ai cette impression que la Sydney-Hobart représente une aventure plus engagée, que le chemin vers la Tasmanie est plus exposé au sale mauvais temps que ne peut l'être la remontée vers le Fastnet, et que le détroit de Bass est statistiquement plus méchant que la mer Celtique. Je ne sais pas si on s'y engage en serrant un peu plus fort le col du ciré, mais le fait est que le nombre de participants y est devenu singulièrement plus réduit, ce qui peut s'expliquer par bien des facteurs, mais peut-être aussi par l'idée que la traversée est rarement une sinécure.
Ils étaient ainsi 108 engagés cette année, dont une poignée a renoncé immédiatement après le départ, sur avarie ou collision. Dans le lot des partants, trois bateaux menés par des skippers français : le Clipper 70 LMAX Exchange, l'A13 Teasing Machine et le JPK 1080 Courrier du Léon (par ordre décroissant de taille).
LMAX Exchange est l'un des douze robustes monotypes engagés dans la Clipper Race, dont Sydney-Hobart représente la cinquième étape. Ce tour du monde en douze étapes organisé par le Britannique Robin Knox-Johnston (premier homme à avoir bouclé une circumnavigation sans escale) met aux prises des équipages amateurs, qui paient leur place à bord pour quelques étapes ou pour l'intégralité du programme de onze mois, et dont certains n'avaient jamais mis les pieds sur un voilier avant la sélection-formation mise en place par l'organisation. Ces candidats à la grande aventure sont encadrés par des skippers professionnls. Celui de LMAX Exchange (qui domine largement l'épreuve depuis le départ d'Angleterre en août dernier) est le Français Olivier Cardin, dont on retrouvera mon interview sur le site Courseaularge.com. Pour la petite histoire, Olivier cardin compte au sein de son équipage un de mes camarades de classe de la formation Ocean Yachtmaster, Pascal Caussil.
A bord de LMAX Exchange lors de la quatrième étape de la Clipper Race, entre Albany et Sydney (photo Clipper Race)
Teasing Machine est l'unique A13 sorti des chantiers Archambault avant leur faillite. Le propriétaire de ce 13 mètres sur plans de Bernard Nivelt ne recule devant rien pour disputer les plus belles classiques, et n'a pas hésité à mettre son bateau sur le cargo destination Sydney (et l'équipage de pros dans l'avion) après une saison européenne joliment couronnée de deux victoires dans la Channel Race et la Semaine de Cowes, suivies d'une troisème place dans sa classe au Fastnet. Son tacticien Laurent Pagès voguant pour l'occasion sous d'autres couleurs, Jérémie Beyou a délaissé provisoirement son programme Vendée Globe pour renforcer le team.
Courrier du Léon, l'un des plus petits bateaux de la Sydney-Hobart avec ses 10,80 m, trace un sillage pas banal. Premier bateau à être sorti du moule des JPK 1080, c'est l'ancien Léon avec lequel Jean-Pierre Kelbert, patron du chantier qui porte ses initiales, a disputé la Transquadra. Arrivé en Martinique le voilier a été racheté par Michel Quintin, ancien planchiste de haut vol, et ami de Jean Pierre (les deux hommes se sont connus à l'époque où Kelbert courait en planche à voile, et fabriquait des planches très demandées).
Accompagné de son père le nouveau propriétaire a emmené le JPK 1080 jusqu'à son nouveau port d'attache en Nouvelle Calédonie, via le canal de Panama et le Pacifique, ce qui représente un voyage peu banal pour un voilier capable de briller en baie autour de trois bouées. Convoyé ensuite par la mer jusqu'à Sydney, le bateau rassemble un équipage de haut vol : Michel Quintin, Gery Trentesaux qui a gagné le Fastnet 2015 toutes classes à bord d'un autre JPK 1080 aussi baptisé Courrier de Léon, François Lamiot et Pierre Ghewy (dit Punch), deux piliers des équipages des Courrier, le figariste Alexis Loison vainqueur toutes classes du Fastnet 2013 (aux manettes d'un ... JPK 1010) et Jean Pierre Kelbert lui-même, qu'on imagine heureux comme un pape.
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